Project Description
RALPH LAVITAL
S’il fallait donner une définition du jazz en lien avec sa source noire américaine, et tel qu’il continue à évoluer aujourd’hui, on pourrait proposer celle-ci: le folklore comme base, l’évidence physique de la danse, et à partir de cette racine l’expression personnelle, les élans plus abstraits, la nuance émotionnelle de l’harmonie et bien sûr l’improvisation.
On citera au hasard la parade néo orléanaise chez King Oliver, les plenas de Puerto Rico chez Miguel Zenon, le swing des ballrooms dès qu’il s’est constitué comme tradition dansée chez tout ceux qui jouent des standards. La clef est que la pulsation de départ est ambigüe, imparfaitement solfégiable, elle est apprise puis entretenue en dansant et en écoutant. C’est elle qui donne le sentiment de plénitude, la coïncidence totale avec l’instant où l’âme et le corps restent enlacés.
Carnaval est un disque de danse dans le sens le plus noble, et sa puissance d’expression provient du fait que Ralph Ravital n’a renoncé ni aux influences du Zouk, de la Mazurka, de la Biguine, ni à celle de Gabriel Fauré, ni à celle du jazz New-Yorkais. En vrai improvisateur, il crée à partir de la somme unique de son humanité et de son savoir.
L’album commence avec un clin d’œil espiègle à son père qui a appris la musique à Ralph et ses frères et sœurs: “Grand Nous”, le mot que le guitariste utilise pour désigner sa famille. Il a choisi des musiciens qui lui ressemblent. Ils se sont parfaitement imprégnés de leur héritage pour ne jamais céder à des clichés, et ont une personnalité si forte qu’ils l’oublient dans le son de groupe. La voix très pure de Nicolas Pelage, le steel pan de Laurent Lalsaingué sont “intraçables” dans leur singularité. Le groove de Tilo Bertolo et Zacharie Abraham ouvre dans les claves caribéennes un espace pour des solos aussi aventureux que celui de Ricardo Izquierdo sur “Prêchotin”, hommage à la commune d’origine de la mère du leader.
Sous la direction musicale de Laurent Coq, “Carnaval” déploie une grande richesse d’orchestration: quartet de jazz classique sur “Grand Nous”, voix et guitare sèche sur l’introduction de “Présent”, superposition de lignes de steel drum et d’un chœur triomphant à la fin de “Carnaval”, cortège de percussions sur “Douvan” qui déborde sur le duo guitare/ piano de “Blind”. Ralph Lavital chante en même temps qu’il improvise sur le joyeux “Big In”, et comme lui le disque ne choisit pas entre vulnérabilité et maîtrise, danse et introspection.
Guilhem Flouzat 16/11/2016